La honte doit changer de champ

On commence la semaine par une stat diffusée sur le site du Sénat biennng badante mais qui nous semble ⚠️ hyper importante ⚠️ de relayer dans le contexte actuel : en moyenne, un agriculteur se suicide tous les deux jours en France.

Au-delà des causes de cette souffrance qui sont multiples et complexes à comprendre, ce qui nous a frappé avec l’équipe des zoomers c’est la honte éprouvée par les agriculteurs quand ils parlent de leur détresse psychologique. L’un d’entre eux se confie à TF1 en avouant : « C’est peut-être gênant de le dire mais plus d’une fois j’ai mis la corde autour du cou ». Glaçant, on est d’accord.

Mais d’où vient cette gêne ? Comment expliquer qu’il est à ce point difficile pour les paysans de parler de leur santé mentale ? Pourquoi une telle honte alors qu’ils ont toutes les raisons du monde de tirer la sonnette d’alarme ?

Déjà, le monde paysan n’échappe pas aux stéréotypes de genre. Y’a encore cette idée bien ancrée dans la société mais pas vraiment assumée que l’agriculteur – et l’homme en général – est censé ramener la moula à la maison sans jamais se plaindre. Partager ses difficultés ou ses angoisses serait un aveu de faiblesse et remettrait presque en cause leur virilité.

La “santé mentale” est peut-être encore perçue comme une préoccupation bourgeoise. On peut comprendre – sans cautionner – que lorsque tu travailles plus de 15 heures par jour sur une exploitation agricole,  ton bien-être psychique passe un peu au second plan, voire ce n’est même pas un sujet.

Et puis cette honte est aussi le résultat de toute une éducation. Quand t’es élevé dans une telle valorisation du travail, parler des difficultés de ton métier c’est reconnaître que tu as échoué là où ton prédécesseur – souvent un membre de la famille d’ailleurs – a réussi. La peine est donc double pour les agriculteurs : non seulement leur fierté paysanne en prend un coup mais, en plus, ils ont l’impression d’avoir failli à leur devoir familial.

Bon, mais dans tout ça, on peut quand même se réjouir d’une chose : la parole concernant la santé mentale des hommes se libère. Parce que même si les paysans sont gênés et qu’ils éprouvent de la honte, ils témoignent. Et si ça peut donner la force à d’autres de témoigner à leur tour, si ça peut entraîner un sursaut de la classe politique (qui, selon nous, ne répond pour l’instant à leur détresse qu’en leur proposant de mourir plus vite, cf le plan Ecophyto… mais on va pas rentrer dans le débat maintenant), eh bah ça sera toujours ça de gagné !