La série Bref est revenue après une dizaine d’années d’absence, et on s’est tous rendus compte que ça nous avait vraiment manqué. Pas que Bref, mais toute l’époque qui va avec. C’est normal apparemment, on devient nostalgique quand on grandit. Pourtant, cette nostalgie a une saveur différente : elle est omniprésente et surtout, digitale.
Contrairement aux générations précédentes, dont la nostalgie passait par des objets physiques (cassettes, albums photos…), la nôtre est encapsulée sous forme de pixels. Elle ne s’efface pas avec le temps, et elle nous est resservie en boucle par nos algorithmes. Il suffit de scroller sur TikTok pour voir apparaître des reliques de nos 14 ans : we heart it, King Kylie, Vine, Victoria’s Secret, Gossip Girl, Skins… Notre passé ne dort jamais vraiment, il est stocké dans des archives accessibles en quelques scrolls.
Et c’est peut-être ça qui est troublant. Nous sommes la première génération à voir notre jeunesse figée dans une mémoire digitale, qui non seulement conserve nos souvenirs, mais nous les impose par le biais de trends. En fait, ce sont nos 12, 15 et 19 ans qui cohabitent, derrière nos écrans et ça fait bizarre. Chaque fois qu’un souvenir Snapchat ressurgit, que le youtube game de 2015 ressort et qu’un son d’Avicii ou P!nk refait surface sur TikTok, nous sommes renvoyés à une version passée de nous-mêmes.
Et si cette nostalgie est si forte aujourd’hui, c’est peut-être aussi parce qu’elle marque un tournant. Parce que le monde a changé, et nous avec. On se surprend à penser que « c’était mieux avant », quand les réseaux sociaux étaient encore à « taille humaine », quand les influenceurs ressemblaient à nos potes, quand la fast fashion était une promesse plutôt qu’un problème, quand Barack Obama était président et que l’extrême droite ne dominait pas encore l’agenda médiatique. Mais cette nostalgie, est-ce vraiment celle des années 2010, ou celle d’une version plus insouciante de nous-mêmes ?
Car 2010, c’était aussi la culture toxique de Tumblr, un monde pré-#MeToo, une sensibilisation quasi inexistante à la santé mentale, et un cyberharcèlement omniprésent. Alors pourquoi ce besoin d’y retourner ? Parce que la nostalgie digitale ne nous laisse pas d’autre choix ? Parce que nos 13 ans nous narguent à travers notre feed ?
Bref, ne t’inquiète pas, nous on pense qu’il suffit d’un t-shirt Life is a joke édition Kate Moss pour s’acheter un aller simple vers le passé.