Quand YouTube nous promettait une fenêtre ouverte sur le monde, TikTok nous tend un miroir où s’entrelacent styles de vie, réalités sociales et écarts de richesse, parfois sans filtre ni mise en scène léchée. Un miroir parfois flatteur, souvent cruel et qui nous renvoie directement à notre propre quotidien (condition).
Prenez la tendance des French Dreamers qui cartonne en ce moment sur TikTok. Ces Français moyens souvent issus de la classe moyenne ou populaire, qui roulent en scénic, vivent dans un logement pavillonnaire et vont chez flunch le dimanche midi, se font railler sur TikTok. Ils sont moqués pour leur mode de vie jugé banal, sans ambition, ancré dans une routine immuable métro-boulot-dodo entre apéros, petits plaisirs et un certain confort du rien. Une satire du Français lambda qui ne cherche ni à « grind », ni à s’élever dans la pyramide sociale, et qui se satisfait d’une vie simple, bien loin des idéaux de productivité de l’American dream. Et si on est honnête, on est pleinement dans du mépris de classe.
Mais là où ça devient intéressant, c’est que TikTok, loin d’être connu comme une plateforme de moquerie, nous fait voir d’autres quotidiens que le nôtre #fracturessocialesunreallife. Là où Instagram nous enfermait dans des esthétiques bien définies, TikTok superpose les styles de vie et nous place malgré nous face à des réalités différentes.
C’est toute l’ambivalence de TikTok : une bulle algorithmique, certes, mais une bulle qui finit par éclater à force de collisions, un moment où des sphères qui ne se croiseraient jamais dans la vraie vie se télescopent sur notre « For You Page ». Et là, face à ces écarts de styles de vie, l’inconfort pointe. Car ces vidéos ne font pas que nous divertir : elles nous forcent à nous situer. À quel monde j’appartiens ? Où est-ce que je me place dans cette hiérarchie sociale ? Et souvent on est plutôt dans un réflexe de rejet et de distinction sociale (notre bon vieux Bourdieu, toujours là pour éclairer nos réflexions au planning).
Alors oui, l’algorithme de recommandation finit toujours par nous resservir du contenu calibré à nos goûts (merci les bulles de filtre). Mais avant ça, il nous aura peut-être mis face à une réalité qui nous échappe.
Parce que si, dans la vraie vie, on ne choisit pas son milieu social, si l’ascenseur social est souvent en panne et si les cercles restent hermétiques, TikTok, lui, bouscule les frontières et nous fait entrer, même furtivement, dans des mondes que l’on n’aurait jamais côtoyés.
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