Qui dupe qui ?

Avant, porter un faux sac Chanel ou des dupes Martin Valen achetés sur Amazon, c’était mal vu. La contrefaçon, le “faux”, le dupe, l’imitation, ces mots qui sonnent presque comme une insulte étaient synonymes de cheap et le reflet d’une situation financière modeste. En bref, acheter du faux, c’était surtout montrer qu’on n’avait pas les moyens d’acheter du vrai, et ça c’était un peu la honte (un miroir grossissant sur notre propre condition sociale). 

Sur TikTok, le hashtag #dupe cumule plus de 6 milliards de vues. Des influenceurs comme  @paulreactss (2,1M d’abonnés) en ont même fait leur spécialité. Des sites comme Dupe.com permettent de trouver une alternative à un produit de luxe en quelques clics. Et entre 2020 et 2025, les recherches Google autour des dupes ont été multipliées par 2,7. Ce qui pourrait être une simple tendance Tiktok est devenu un véritable comportement de consommation. 

D’abord, on a commencé par acheter du luxe d’occasion sur Vestiaire Collective ou Vinted. Puis, on a revendiqué des pièces “usées”, vintage. Pourquoi ? Parce qu’on a compris qu’après tout pourquoi acheter neuf quand on peut trouver du presque neuf ou du bon état à bon prix ? 

Après la désacralisation du neuf avec l’émergence des fripes et de la seconde main, nous assistons à la désacralisation du luxe et du haut de gamme et même du vrai.

Aujourd’hui, acheter le dernier body dupe de Skims chez H&M, l’ensemble de sport façon Lululemon chez Primark, ou un parfum dupe Dior ou Chloé chez Adopt ou Lidl, c’est limite plus stylé que d’avoir l’original. 

Finalement, afficher son dupe, c’est presque un statement. Une façon de dire : “je sais, et c’est moi qui gagne”. Avant, acheter une contrefaçon, c’était tricher. Aujourd’hui, c’est prouver qu’on a compris les codes… sans se faire avoir par le système.

Et puis il y a le contexte : la vie chère, les prix qui flambent, les priorités qui changent. Aujourd’hui, consommer des dupes, ce n’est plus une affaire de classe sociale, c’est une façon de reprendre la main sur son argent. De se dire que, franchement, ça ne vaut plus le coup de claquer 200 euros dans un ensemble de sport ou un parfum, même si on peut se le permettre.

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