Daddy, je veux un Birkin

Le savais-tu ? Il ne suffit pas d’être riche pour acheter un sac Hermès, il faut être choisi !  Il y a quelques semaines, deux Américains se sont rendus en boutique pour acheter un Birkin, l’un des sacs les plus convoités dans le secteur du luxe. Problème : ils se sont faits recal (ouin, ouin). Pas parce qu’ils étaient à découvert (connaissent-ils seulement le concept ?) mais parce qu’ils n’avaient pas un « historique d’achat suffisant ». Autrement dit, il faut s’être procuré un certain nombre d’accessoires avant d’accéder au Graal. Cette réponse n’a évidemment pas plu à nos deux milliardaires qui ont décidé de poursuivre la maison française en justice.

Derrière ce problème de riche, une question concrète se pose : pourquoi la marque refuse-t-elle de vendre un sac à des clients qui sont pourtant prêts à dépenser des dizaines de milliers de dollars pour l’acquérir ?

Est-ce par conscience écologique ? Moins vendre pour moins produire dans le but de préserver le vivant et le savoir-faire des artisans ? Quand on sait que Hermès possède des élevages intensifs d’alligators au Zimbabwe qui se font charcuter vivants pour terminer en sac à main (voir le rapport des militantes PETA), pas sûrs que l’argument écolo tienne la route. Est-ce donc plutôt par intérêt économique ? Certainement. En limitant le nombre d’exemplaires, la maison de luxe créé de la rareté artificielle pour ensuite gonfler les prix de ses produits. Puis, lorsque l’on sait que les employés reçoivent une commission de 3 % uniquement sur les ventes d’accessoires, pas étonnant que les clients soient redirigés vers des chaussures ou un foulard plutôt qu’un Birkin.

Mais au-delà des gains économiques évidents, avec les zouzous on y voyait aussi une sorte de politique anti nouveaux-riches. Dans le passé, on a vu comment une marque de luxe pouvait souffrir d’une ouverture à une cible non-visée : quand les jeunes issus de milieux populaires s’achetaient des contrefaçons Burberry pour arpenter les rues de Londres, la marque est devenue l’emblème du “mauvais goût” et a perdu 3% en bourse.

Ici, l’image de marque d’Hermès n’est peut-être pas menacée par les classes populaires mais par d’autres agents du “mauvais-goût”, ceux qu’on appelle communément : les nouveaux-riches. Tu sais ce sont ces personnes – comme Jessica Thivenin et toute la clique des Marseillais – qui sont devenues riches rapidement alors que leurs ascendants ne l’étaient pas et qui vivent pour la plupart dans la city de l’angoisse aka Dubaï. De fait, Hermès pousse la logique de l’entre-soi encore plus loin en renforçant le processus de sélection : être riche c’est bien, mais être riche depuis longtemps, c’est mieux.

Finalement ce qu’on trouve intéressant dans cette anecdote c’est qu’elle pose la question des limites du processus de sélection d’une marque. À quel point une marque peut-elle choisir par qui elle est consommée ? Et sur la base de quels critères ? Certaines sont déjà excluantes par le prix ou les tailles uniques (cc Brandy Melville) mais ne pourrait-on pas imaginer qu’à l’avenir certaines marques puissent rajouter, comme Hermès, des critères supplémentaires et complètement arbitraires pour contourner certains publics ?