Disclaimer : Le Monde vient de nous envoyer une notification « comment les jeunes branchés ont réinvesti les PMU », autant dire que les zoomers sont à leur comble, être copiés avant de publier est un slay as we say in French.
Devanture kitsch, tables en formica, enseigne Heineken, le petit rouge limé ou le verre de ricard au comptoir, quelques remarques d’un autre temps et bingo, on se trouve dans n’importe quel bar-tabac français. Lieu de rencontre et de brassage social, les bars-tabac sont une institution connue de tous mais fréquentée uniquement par les personnes nées avant 1955.
La routine y est immuable, peu importe la localisation : café du matin, discussions sans fin rythmées par les allées et venues, sans conclusion réelle, apéritif, déjeuner, jeux à gratter et paris hippiques à toute heure. Vous visualisez bien maintenant ? Et pourtant, ces bars sont en mutation depuis plusieurs années.
Aujourd’hui, les startuppers de Station F se retrouvent pour jouer au baby-foot dans des bars-tabac ou PMU revisités, là où ils fréquentaient auparavant des adresses plus branchées. Cette transformation a donné naissance à des « dupes » de bars FDJ, à l’image de Cornichon dans le 11e arrondissement. Habitant dans ce fameux arrondissement, nous avons eu la chance de découvrir ce neo bar tabac. L’occasion idéale s’est offerte à nous : boire un verre de pet nat’ tout en prenant la température sociologique de l’endroit. Alors voici nos impressions : ce lieu conserve l’esthétique traditionnelle des bars-tabac — nappes en papier, comptoir à néon, jeux à gratter — tout en adoptant une approche radicalement différente en termes de prix et de clientèle. Par exemple, les rigatoni à l’ail et leur beurre monté à la sauge y sont proposés pour la modique somme de 17€, échangeant ainsi l’habitué aux blagues grivoises contre le dernier TikTokeur de la fashionsphere.
Ces « dupes » capitalisent sur l’aspect nostalgique et authentique des PMU tout en écartant les « désagréments » associés à leur réputation traditionnelle. En parallèle, une autre tendance émerge au sein des bars-PMU eux-mêmes, qui amorcent leur propre transformation. En centre-ville, ils se « premiumisent » en adoptant une identité et une expérience renouvelées : liserés dorés, canapés en velours, typographie élégante…
Tout change.
Ces transformations des bars-tabac, tout en cherchant à attirer une clientèle plus jeune et « tendance », soulèvent une question essentielle : qui a encore droit à ces lieux populaires ? En les gentrifiant, ces établissements ne se contentent pas de perdre leur âme, ils excluent carrément leurs habitués au profit de ceux qui, déjà, ont les moyens de s’offrir une expérience « revisitée ».
Ce phénomène transforme des lieux autrefois accessibles à tous en des espaces où il faut désormais avoir le portefeuille bien garni pour y participer. Derrière cette allure moderne, c’est surtout une forme d’exclusion qui se cache, une manière de tourner le dos à ceux qui, eux, ont fait vivre ces lieux pendant des décennies. Une évolution qui peut prêter à sourire, mais qui, au fond, dénote une certaine hypocrisie dans l’idée de « réinventer» l’authentique.
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