Bumble, Hinge, Fruitz, Happn… Toutes ces applis ont, à leur tour, promis de révolutionner le dating en apportant une innovation qui change notre manière d’interagir avec nos dates (/deɪt/). Parmi les dernières en date ([dat]), tu as peut-être entendu parler de (ou testé toi-même) Breeze. Le concept : limiter les interactions virtuelles et pousser directement à des rencontres IRL. Une réponse aux dérives des applis classiques ? Ou un symptôme de plus de la dating crisis ?
Ce qu’on aime dans la démarche de Breeze, c’est que la rencontre IRL permet en effet de redonner une place à l’intuition, la grande oubliée des applis. Face à un profil rempli scrupuleusement, on rationnalise, on sur-rationnalise, on post-rationnalise, au lieu de laisser faire la magie du sentiment amoureux : celle qui ne se réfléchit pas, celle qui ne tient qu’à un geste, à un sourire, à un regard (on arrête là, t’as l’idée). Les applis sont le temple du trop-plein d’informations, au point d’étouffer nos élans instinctifs.
Mais on se demande quand même si, en visant le digital comme ennemi principal, Breeze ne se trompe pas de combat ? Pour la Gen Z, se parler par message n’est pas une barrière à l’authenticité, c’est un prolongement naturel des relations. Communiquer avec nos amis par message n’altère en rien la sincérité des liens, au contraire elle lui donne une autre dimension. Pourquoi en serait-il autrement dans le dating ?
Ce serait probablement un faux procès que de tenir les messages online pour responsables de la dating crisis. Car le problème ne vient pas du digital en lui-même, mais de l’abondance de choix qu’offrent les applis. L’amour est devenu un marché hyperconcurrentiel, répondant aux règles de l’économie moderne. En économie, un marché de concurrence pure et parfaite, c’est l’absence de différenciation entre les produits : tous se valent, aucun n’est préféré. Or, appliqué au dating, cela crée un paradoxe vertigineux : plus nous avons de choix, moins nous sommes capables de leur attribuer de la valeur.
Dans ce contexte, la recherche de la meilleure option remplace la satisfaction de la rencontre elle-même. Et alors même que la liberté amoureuse et sexuelle aurait dû mener à plus d’épanouissement, elle semble surtout engendrer plus d’angoisse.
La sociologue Eva Illouz met en lumière ce paradoxe entre notre quête de liberté et l’angoisse généralisée qu’elle peut provoquer. Elle ne prône pas un retour en arrière, mais plutôt l’invention de nouvelles normes et de nouvelles règles. L’idée n’est pas de refuser l’évolution des modes de rencontre, mais de redéfinir un équilibre où le trop-plein d’options ne rend pas l’amour insaisissable.
Le digital n’est pas l’ennemi, mais l’usage qu’on en fait mérite d’être repensé. Si l’amour est un jeu, il reste à trouver les bonnes règles pour qu’il ait encore du sens. Bref, à l’image de cet article, on n’a pas réussi à conclure.