POV : Quand les Zoomers montent les marches

Cette année, la team Ok Zoomer s’est de nouveau rendue au Palais des Festivals. Pas (encore) pour voir Marcel récupérer un énième Lion mais pour suivre un événement culturel qui, malgré son âge respectable, fait toujours son petit boucan : le Festival de Cannes (le vrai). Et si on a troqué le soleil cannois contre l’obscurité des salles aux grands écrans, c’est qu’il y a une vraie question qui nous turlupine : Comment le 7e art – et surtout son industrie – s’adapte à la Gen Z sans trahir l’héritage qu’il célèbre si fièrement à Cannes ? 

Avant toute chose, qui l’eût cru ? La génération Netflix est devenue cruciale pour le cinéma. Aux États-Unis, les ados et jeunes adultes génèrent 38% des revenus d’abonnement d’AMC, le UGC américain. En France, selon le CNC, les 15–24 ans représentent 23,7% des entrées en salles, en hausse par rapport à 2024, soit la tranche la plus active. Bref, ce sont eux qui remplissent les fauteuils rouges, maintenant… et surtout demain. 

Et pour parler à cette Gen Z si importante, le festival s’adapte :

  • Pour la comprendre, il n’y a pas de secret, il faut l’observer, réutiliser et réinterpréter ses codes, ses usages. Et s’il y a bien un repère où se trouvent toutes les références et les codes de cette génération, c’est TikTok. Le Festival de Cannes l’a bien compris, et depuis un moment ! Ça fait déjà 4 ans qu’il a noué un partenariat avec la plateforme chinoise. D’ailleurs, la dernière campagne célébrant le partenariat reprend cette idée et l’induit même en tant que prescripteur en signant « Trouver des idées de films, ça commence sur TikTok ». Et ça correspond même parfaitement aux usages puisqu’en 2023, 60 % des Gen Z déclaraient préférer découvrir des films via des vidéos courtes ou des créateurs plutôt que via une bande-annonce classique.
  • Outre TikTok, le cinéma parvient à tirer profit des nouvelles plaques tournantes de son écosystème. À l’image du studio A24 qui a carrément invité des critiques Letterboxd, le réseau social plébiscité par les cinéphiles, pour noter et répertorier les films, pour la promo de The Zone of Interest, augmentant de 40 % la fréquentation de la Gen Z.
  • Du côté des sélections au sein du festival, on sent un souffle plus inclusif, plus progressiste, dans les thèmes comme dans les castings d’année en année. Un vrai signal, surtout pour une génération qui valorise l’authenticité, la diversité et l’engagement. Tout ça a été récompensé par le jury de cette édition, présidé par Juliette Binoche.
  • Mais Cannes ne serait pas Cannes sans ses strass et ses paillettes. Et comme le veut la tradition, depuis la 1ère édition, tout le gratin mondial monte les marches, au pied du Grand Théâtre Lumière. Évolution moderne oblige, aujourd’hui, on déroule le tapis rouge à des têtes issues de YouTube, Twitch, Instagram ou TikTok bien sûr. À tort ou à raison, beaucoup se demandent quelle légitimité certains invités ont à être présents. Le festival entend ici évidemment toucher, par le biais de ces personnalités contemporaines, la jeune génération qui les suivent par millions.

Finalement, derrière les flashs, la Croisette doit surtout éviter de devenir une coquille vide. À trop vouloir séduire, elle risque de perdre de vue l’essentiel : la transmission culturelle. Car Cannes, parfois, ressemble à la Fashion Week ou à un match NBA : beaucoup viennent pour se montrer, pas forcément pour voir. Comme à Roland-Garros, où les loges sont vides pendant que la billetterie explose. C’est chic, mais… creux. La tentation est grande de transformer le Festival en photocall Instagram plutôt qu’en célébration vivante du cinéma.

En réalité, la Gen Z n’est pas en guerre contre le cinéma. Elle le redéfinit. Elle veut des histoires profondes, mais aussi pouvoir en rire, en faire des memes, les partager, les détourner. Elle veut qu’on lui parle avec ses mots, mais sans qu’on l’infantilise. Et elle peut aimer Godard ET Shrek. C’est ça être éclectique. Le Festival de Cannes, s’il veut rester pertinent, doit continuer à jouer le rôle de gardien de la cinéphilie, tout en ouvrant grand les portes du palais

Pas pour qu’on vienne juste y défiler, mais pour qu’on continue d’y rêver. Ensemble.

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