C’était censé être la grande messe de la créativité mondiale. Le moment où les agences sortent leurs plus belles campagnes, leurs plus beaux cas, leurs plus belles idées. Mais cette année, les Cannes Lions au plutôt Cannes Liars… ont viré au drama. Entre IA non déclarée, chiffres bidons, faux témoignages et marques pas au courant de leur propre campagne, l’édition 2025 a surtout récompensé ceux qui savent bien mentir.
DM9, agence brésilienne, avait décroché un Grand Prix en Creative Data. L’idée ? Une solution de paiement super ingénieuse pour aider les foyers précaires à accéder à de l’électroménager neuf. Boostée par une vidéo émotionnelle, des chiffres à faire pleurer un CFO et un storytelling lé-ché ! Sauf que tout était fake. Les extraits de reportages ? Bidons. Les témoignages ? Modifiés par IA. Les résultats ? Sortis du chapeau de Geneviève de Fontenay. Au final : Un Grand Prix et 12 autres Lions retirés (belle petite meute au tapis), le directeur créatif viré, et une agence désormais en PLS.
Dans la foulée, toujours au Brésil, LePub São Paulo a aussi vu son Lion confisqué. Leur campagne pour New Balance se vantait d’avoir vendu 45 000 maillots… Et, plot twist, pas de preuve de prévente, des vidéos d’influenceurs détournées et cerise sur le gâteau empoisonné : la marque elle-même a déclaré ne pas être au courant. On est à deux doigts de lancer un Cannes Lions version dystopique, où le brief c’est juste : “Raconte ce que tu veux, tant que ça gagne des prix. Ça peut être fictif mais un peu crédible quand même (faut pas déconner ha ha)”.
Alors oui, cette année, le Brésil c’est pas Joga si Bonito que ça… On les aime pour leur amour du beau jeu, leurs belles histoires, leurs prouesses techniques, un peu moins pour leurs simulations – Tout parallèle avec la Seleção ou un certain Neymar serait bien évidemment fortuit.
Mais en fin de compte, on en est OÙ ? Est-ce qu’on récompense encore les idées ou les résultats ? Est-ce que l’idée suffit si elle n’a jamais existé ? Ou est-ce que des résultats, petits mais vrais, mériteraient plus d’amour que les fictions bien montées ? Entre Zoomers, on se pose la question…
Cannes a tenté de réagir : création d’un comité éthique autour de l’IA, vérifications renforcées, retrait express des prix frauduleux. À force de vouloir faire rêver, on a oublié de vérifier si le rêve avait bien eu lieu. Pourquoi en arrivons-nous là aujourd’hui ? Quelle est la raison d’être de ces festivals ? Est-ce qu’à trop vouloir récompenser le fantasme, Cannes ne fabriquerait pas lui-même ses propres démons : des cas trop beaux pour être vrais, calibrés plus pour les jurys que pour les consommateurs ? Vous avez 4 heures.
Parce qu’au fond, quand on y pense, it’s all about a good idea. Une idée est belle justement quand elle n’est plus au simple rang d’idée, mais qu’elle prend forme, et dans le vrai monde, si possible. Elle n’a de valeur que si elle vit, que si elle touche, que si elle provoque quelque chose de vrai ! Une réaction. Un impact. Une sueur. Un clic. Un frisson.
Parce que c’est aussi sa réalisation qui élève l’idée et le travail de toutes ses artisans qui y ont cru et lui ont donné vie. C’est ça que l’on doit récompenser parce que c’est ça qui fait avancer la pub.
Alors non, on ne veut pas tuer la magie. On veut juste que cette magie soit réelle. Que l’idée soit brillante et que les résultats soient tangibles. Que la création soit aussi dingue que responsable. C’est le moins qu’on puisse en attendre aujourd’hui. Et si Cannes doit devenir le tribunal de la créativité VRAIE, alors tant mieux. Parce qu’on en a assez des cas inventés. Ce qu’on veut, c’est du génie qui existe pour de vrai. Parce qu’à force de récompenser les fake it till you make it, on oublie que le plus dur, c’est de vraiment make it.