« Nintendo est un cabinet d’avocats qui fait des jeux vidéo sur son temps libre. » Et ce n’est pas totalement faux. On pourrait se dire que Bastien, ado de 15 ans qui fait des let’s play de Kirby sur sa chaine YouTube démonétisée, est un gars innocent. Pourtant, pour le faire taire, la marque au plombier rouge n’hésiterait pas à lâcher sur lui une légion d’avocats armés jusqu’aux dents.
Nintendo est probablement l’entreprise la plus agressive du secteur quand il s’agit de défendre sa propriété intellectuelle. Une dizaine d’affaires par an en moyenne. Des milliers de lettres d’avocats. Et bien d’autres menaces qui n’atteignent jamais le tribunal.
Pour comprendre cette agressivité, il faut remonter au début des années 80. Comme l’explique le youtubeur et journaliste “the Great review”, à l’époque, Atari domine le marché, en produisant à la fois les consoles ET les jeux. Mais sa console, la 2600, n’est pas protégée. Résultat : n’importe qui peut sortir un jeu dessus : c’est le début des studios indépendants. Et des jeux, il en sort… des tonnes. Des buggés, des ratés, des impostures. Les joueurs finissent par perdre confiance. L’industrie s’effondre. La crise de 1983 brise des milliers de carrières. Tout ça à cause d’une propriété intellectuelle mal gardée. Les pontes de Nintendo, jeunes à l’époque, en garde une cicatrice. Un PTSD qui depuis, a tourné à obsession, au verrouillage : Personne ne touchera à leurs licences.
Même si la propriété intellectuelle est bien mieux protégée qu’avant, dans le jeu vidéo, on ne peut toujours pas protéger une idée, seulement des mécaniques. Du coup, un jeu comme Palworld peut plagier Pokémon jusqu’à la caricature… et rester légalement en vie. Alors oui, on comprend que Nintendo attaque des concurrents directs. Mais quand ils s’en prennent à leurs propres fans, ça coince. Une compétition entre amateurs de Smash Bros ne menace pas son chiffre d’affaires. Une fanfic Mario non plus. Au contraire : ce sont ces créations qui font vivre la licence dans la culture pop.Et c’est là que Nintendo passe à côté.
Aujourd’hui, les marques qui comptent sont celles qui s’ouvrent. Celles qui s’humanisent. Apple. Patagonia. Les « love brands ». Celles qui s’appuient sur leurs communautés. Nintendo, malgré son cœur de métier, le divertissement, continue de traiter ses fans comme des suspects. Une vision vieille école, top-down, héritée des années 50. Et c’est ça le plus ironique : Nintendo vend du fun. Des mondes colorés, des musiques entraînantes, des univers qui respirent la joie. Mais leur image de marque, elle, n’a rien de joyeux. Elle est froide, procédurière, punitive. C’est un vrai problème. Parce que dans un marché où les fans veulent s’identifier aux valeurs d’une entreprise, Nintendo apparaît comme schizophrène : des jeux qui promettent l’évasion et la créativité, mais une marque qui refuse toute liberté et qui sanctionne la passion.
Un jour, Nintendo paiera le prix de cette rigidité. Ses fans, ceux qui consacrent leur temps et leur argent à faire vivre ses univers, finiront par se lasser. Car non, les fans ne détruisent pas une propriété intellectuelle. Ils l’enrichissent. Ils la prolongent. Et parfois, ils inspirent.