Aujourd’hui, on voulait te parler d’un phénomène pas si nouveau mais qui ne cesse de nous étonner : les livres décoratifs. Si tu n’es pas au courant du phénomène, ce sont des livres avec de magnifiques couvertures mais sans rien à lire dedans. Des coquilles vides. Niente. Nada.
Alors qu’est-ce qui a bien pu conduire notre société avancée à créer des objets aussi énigmatiques que préoccupants ? Pour répondre à cette question, il faut commencer par un constat : la baisse du niveau de lecture chez les jeunes. Il y a bien la sphère Book Took (on y reviendra) et Jacob Elordi qui redonnent un peu d’attrait au format papier mais globalement, un jeune ça lit moins. On vous épargnera le pourquoi du comment mais ça a quelque chose à voir avec les écrans, de ce que disent les rapports.
Bref, donc les jeunes lisent de moins en moins et ça met en péril l’industrie de l’édition et du livre, vous imaginez bien. Il a donc fallu trouver une solution pour se renouveler. Et là, le coup de génie : les couvertures de livres ultra esthétiques.
Une idée qui ne vient pas de nulle part donc petite généalogie hypothétique du phénomène qui a transformé nos séjours en salle d’attente de dentiste. C’est gratuit.
En fait, que ça a commencé à sérieusement partir en coui**es avec le “Zoom Library Background” qui consistait à s’afficher, pendant le confinement, avec une bibliothèque derrière soi à chaque appel Zoom comme pour dire “vous parlez à un énorme cerveau”. Puis est arrivée la mode du “Bookshelf Wealth” qui désignait l’art de rendre aesthetic sa bibliothèque en classant les livres par couleurs ou en faisant ressortir des livres comme si notre séjour était devenu une grande librairie de quartier. On commençait déjà à séparer l’objet “le livre” de son utilité “la lecture” pour lui confier un rôle à la fois plus symbolique “la culture, l’intelligence, le savoir” et plus esthétique.
Ensuite, le milieu de l’édition (Assouline, Entangled notamment), en sueur, voyant cette fascination pour le moins inattendue pour les bibliothèques c’est dit “mais venez on design de super jolie cover pour vendre nos livres, ça va cartonner sur le Book Tok”. Spoiler : ça a cartonné sur le Book Took, donnant ainsi plus de crédit à la maxime “on ne juge pas un livre à sa couverture”. Au moins, il y avait encore quelque chose à lire de dedans.
Mais le drame, le vrai drame est arrivé lorsque les dropshippers Shopify, Zara Home et Maddy Burciaga ont commencé à faire la promotion de livres décoratifs Coco Chanel ou Karl Lagerfeld tout à fait vides pour décorer leurs grands appartements à Dubaï.
À lire ce brûlot, on pourrait croire que la rédaction est devenue totalement réfractaire au changement. Pas du tout. Ça nous fascine juste de se dire que nous sommes arrivés à un point tel dans notre civilisation déconcentrée et dominée par l’image que même le livre ne réussit plus à trouver les mots justes pour nourrir nos imaginaires, jusqu’à finir en table de chevet. En soi, c’est super joli une pile de livres en déco, mais essayons de ne pas oublier que la valeur d’un livre se trouve d’abord dans ce qu’il contient. (On les a d’ailleurs souvent brûlés/censurés pour cette raison au cours de l’Histoire).
Ok Zoomer FeedSaison 5 - Épisode 3